Prévention 22/06/2021

« Avec la pandémie, le métier de conseiller en prévention a acquis une nouvelle dimension »

Mars 2020 : la Belgique entière entre dans un confinement jamais vécu auparavant, à cause de la pandémie du Covid-19. Dans les grandes entreprises, les bureaux se vident complètement de leurs employés, obligés pour de longues semaines de travailler depuis chez eux pour faire baisser les courbes épidémiques. Impactant certains métiers plus que d’autres dans leur quotidien. Exemple avec les conseillers en prévention. Habitués à travailler au service des collaborateurs d’une entreprise, au cœur même de celle-ci, ils ont dû faire face à de nombreux défis et réinventer plusieurs aspects de leur métier. On a fait le tour de la question avec Sophie Renaux et Hans Loeckx, conseillers en prévention chez AG.

 


Naviguer dans le brouillard

« Exercer le métier de conseiller en prévention, c’est entre autres conseiller l’employeur sur base de ce qui existe dans la législation du bien-être au travail », explique Sophie Renaux, responsable du service interne de prévention d’AG. Une composante du métier qui a été chamboulée dès le début de la crise Covid-19. En effet, les conseillers en prévention d’AG ont dû s’appuyer à la fois sur des réglementations qui n’existaient pas encore et sur leur propre bon sens, comme l’explique Sophie : « Nous avons directement senti qu’il y avait plus de responsabilités sur nos épaules. Nous avons dû agir et réagir de manière plus proactive que ce que notre métier exigeait en temps ‘normal’. Et trouver le juste équilibre entre l’application la plus stricte des recommandations gouvernementales, et le ressenti dans l’entreprise.». Très vite (dès le 12 mars 2020, ndr), AG a invité ses employés à se mettre tous en télétravail, vu les conditions sanitaires. Une décision de bon sens, rapidement suivie par une obligation des autorités.

Durant de nombreuses semaines et de nombreux mois, les conseillers en prévention ont aussi appris à travailler différemment, avec des équipes avec lesquelles ils avaient peu de contacts auparavant. Et ont été invités à donner un avis sur le matériel de sécurité et les moyens de protection face au Covid-19 : « Gels hydroalcooliques, masques, ventilation des bâtiments… tout a été passé au crible. Avec sérieux et rapidité, même si on n’avait pas toujours toutes les infos en mains », explique Hans Loeckx. Enfin, et ce n’est pas négligeable, les conseillers en prévention ont été directement impliqués dans le retour au bureau et tout ce que cela impliquait en termes d’organisation pratique : panneaux de signalisation, présence de gel, organisation d’un sens de circulation, de directives dans les salles de réunion, le mess… Un travail de l’ombre essentiel à plus d’un titre. 


Ergonomie à la maison

Un des aspects du métier de conseiller en prévention est de donner des avis sur l’adaptation de la technique, des outils de travail et de l’environnement de travail à la physiologie humaine. « De nouvelles problématiques se sont posées, assez naturellement. On avait l’habitude de donner ce genre de conseils sur place, dans les bureaux. Mais à partir du moment où tous les collaborateurs travaillaient de chez eux, on a dû se montrer créatifs et continuer à dispenser des conseils via notre réseau social interne d’entreprise par exemple : position de l’écran, de la chaise, ventilation, mobilier alternatif… pour que chacun se sente bien là où il travaille, sans qu’on puisse intervenir physiquement », explique Hans Loeckx. « Être le plus possible proactifs avec les moyens dont on disposait à ce moment précis, en créant un ordre de priorités dans les informations données ». 


Soutien psychologique

Après la phase de crise liée au premier confinement, jusqu’en juin 2020, les conseillers en prévention ont à nouveau revu l’ordre de leurs missions prioritaires. Sophie Renaux : « C’est vraiment à ce moment-là qu’on a vu deux aspects de notre métier prendre de l’ampleur : l’ergonomie – ce qui était déjà le cas depuis mars et pour laquelle on avait entamé un travail de fond – et le soutien psychosocial, plutôt dans un aspect d’urgence ». En collaboration avec notamment le service médical et les départements des ressources humaines, les conseillers en prévention ont pris diverses initiatives, comme un message à tous les membres du personnel, rappelant qu’ils pouvaient faire appel à toute une série de personnes ressources  s’ils avaient des difficultés à traverser cette période. Mais aussi des contacts téléphoniques personnalisés (ce qu’ils ont appelé les « care calls ») avec entre autres les collaborateurs qui travaillaient notamment avec de jeunes enfants , une sensibilisation des managers pour détecter les collègues les plus en difficulté…


Un métier qui a de l’avenir ?

Si on leur demande si la crise et la pandémie ont changé leur métier, c’est en chœur que Sophie et Hans répondent : « oui, c’est évident. Au niveau de l’ergonomie, beaucoup de choses ont changé et le curseur s’est déplacé sur le niveau de responsabilité de l’employeur, qui a besoin de savoir jusqu’où il peut aller dans ses conseils et ses outils, à partir du moment où l’employé travaille de chez lui », explique Hans Loeckx. « Cette pandémie nous aura donné du fil à retordre, des responsabilités qu’on n’attendait pas forcément, mais aussi beaucoup plus d’assurance et de confiance dans les avis qu’on devait donner à l’employeur et la manière de les communiquer, sans cadre référentiel légal », ajoute Sophie Renaux.
Ce métier, intimement lié à la nouvelle organisation du travail à laquelle se préparent toutes les entreprises, n’a pas attendu la fin de la crise pour relever les prochains défis qui ne manqueront pas de se présenter : « Il va falloir revoir et réorganiser tout le réseau des équipiers de sécurité (secouristes et SLCI*  d’entreprise) dans un contexte de télétravail accru, par exemple. Mais aussi adapter les analyses de risques et le business continuity plan (BCP) en fonction de ce qui a bien marché (ou pas) lors de la longue crise que nous venons de vivre », conclut Sophie Renaux. Bref, un métier certes très légiféré, mais très varié et touchant à de nombreux domaines de la vie d’une entreprise et de ses collaborateurs. 

*SLCI : service de lutte contre l’incendie

 

     
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